Beverly Jo Scott
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Sherman, avec quels musiciens te produits-tu pour cette tournée européenne ?
A la batterie nous avons monsieur Jamie Little, à la basse Gary Rackham et aux claviers Jools Grudgings.

Peux-tu m’en dire plus sur toi, afin de te présenter ?
Je suis originaire de Beaux Bridge en Louisiane, USA…
J’ai soixante ans et je suis un bluesman !

Quand as-tu décidé de te consacrer à la musique ?
J’ai réellement décidé de faire de la musique à l’âge de douze ans. Cependant je n’ai pas commencé avant d’avoir treize ans…

Quelles étaient tes influences à cette période ?
Alors que j’avais douze ans, je regardais la télévision et je suis tombé sur des images d’Hank Williams. Je me suis dit que c’est-ce que je voulais faire. Mon père m’a, alors, offert une guitare pour Noël…

La Country Music représente-t-elle une composante importante de ton style ?
Oui il y a beaucoup de Country dans mon style et mes créations (la définition du terme "Country Music" englobe, en fait, pour Sherman de nombreux styles musicaux différents, Nda). D’autant plus que Beaux Bridge a toujours été un lieu de passage obligatoire pour beaucoup de musiciens qui venaient intégrer des groupes locaux. J’ai conservé ces sons en moi.

De quelle manière as-tu appris la musique ?
A départ j’ai commencé après avoir entendu Freddie King. C’est sa musique qui m’a poussé à pratiquer du Blues. Avant lui j’écoutais du Jazz, de la Country, du Zydeco et même de la musique classique.

J’ai toujours aimé la musique et il y en a toujours eu autour de moi. Je suis réellement venu au Blues car ma mère mettait de la musique à longueur de journée à la maison.  Elle passait des disques d’artistes tels que Otis  Redding, Sam Cooke, O.V Wright ainsi que des groupes vocaux…

A quand remonte ton déménagement au Texas ?
C’est mon père qui avait décidé de la chose alors que je n’étais qu’un enfant. Je suis né en 1948...
Mon père était parti à Houston dès 1950, ma mère et moi l’avons rejoint en 1952.

La raison de ce déménagement était purement professionnelle. A cette période il n’avait pas de travail. Il s’est donc rendu à Houston afin d’y dénicher un emploi. Il a, dans un premier temps, fait des petits boulots avant d’être intéressé, par l’intermédiaire d’une connaissance, par la mécanique. Voie dans laquelle je me suis également engouffré...

Peux-tu revenir sur tes débuts professionnels ?
Mon premier concert payé s’est déroulé alors que j’avais quinze ans. J’étais dans un Club qui se nommait le « Silver Slipper ». C’était un endroit où tous les créoles originaires de Louisiane aimaient se rendre.
Dans le groupe qui se produisait sur scène il y avait un gars nommé Floyd London qui jouait de la guitare. Mon père lui a demandé si je pouvais le rejoindre sur scène pour un morceau. Il a accepté et nous avons fait un titre dans un registre très « honky-tonk »…

Il a apprécié le résultat et m’a demandé d’intégrer son groupe, en tant que deuxième guitariste, dès le week-end suivant. C’est ainsi que tout a réellement commencé…

Peux-tu évoquer ta collaboration avec Clifton Chenier ?
Après quelques expériences musicales, en 1982, j'ai participé à un Festival (Le Crosstown Blues festival, Nda) auquel Clifton participait également. Il m'a entendu et a demandé à son chauffeur de bus d'aller à ma rencontre afin de lui être présenté. Il m'a demandé si je voulais jouer avec lui. Je lui ai répondu qu'il voyageait de trop pour moi. D'autant plus, qu'à cette période, je travaillais dans un garage, j'avais une femme et des enfants...

Il m'a dit “OK, donne-moi un numéro de téléphone sur lequel je puisse te joindre et la prochaine fois que je passerai ici je te contacterai”.
Au mois de septembre suivant, le téléphone a sonné à 3h00 du matin. C'était Clifton Chenier...
Il m'a dit “Hey mon gars, j'ai besoin d'un guitariste pour des concerts en Californie pour une durée de deux semaines” !
Ma femme, qui était à côté de moi, m'a dit “Ok, j'ai compris, fais tes bagages si tu veux y aller”.
Au bout de deux semaines, j'étais sensé retrouver mon épouse, mon métier de mécanicien, mon groupe, etc...
En fait, ces deux semaines ont duré cinq ans...

La première fois que je suis rentré à la maison, c'était au bout de deux mois et demi (rires) !
J'aimais beaucoup jouer à ses côtés. Cela me permettait de me produire dans de grands Festivals et de rencontrer des gens comme Albert King etc...

Lorsque j'étais mécanicien je ne gagnais de l'argent, en tant que musicien, que le week-end. Avec Clifton j'ai parcouru le monde, passant des Clubs de 100 personnes à des grandes salles avec 3000 spectateurs. C'est pour tout cela que je suis resté avec lui cinq ans...

Quand as-tu commencé à enregistrer sous ton propre nom ?
J'ai vraiment commencé en 1975. J'ai, ainsi, enregistré deux albums pour un gars qui avait fondé un label nommé Lunar 2 (son groupe se nommait alors "The Crosstown Blues Band", Nda)...

Puis en 1993 j'ai enregistré “I'm the Man” pour Atlantic. Avec le même producteur, Mike Vernon, j'ai enregistré un nouveau CD en 1995 ("Here and Now", Nda). Puis il y a eu un autre disque enregistré en Californie pour AudioQuest “Going back home”...

Mon dernier album ("Guitar Man Live", Nda) qui est sorti est un enregistrement live signé sur le label Crosscut records (Sherman a aussi participé à quelques sessions dont certaines pour l'album "Graceland" de Paul Simon en 1986, Nda) .

Quels sont les thèmes que tu aimes aborder dans tes chansons ?
J'aime les chansons qui racontent de vraies histoires  et, de préférence, des faits que j'ai pu vivre...
Même quand j'écoute des chansons, je suis toujours plus touché par celles qui évoquent des histoires qui semblent tirées de la réalité de la vie.

Je n'aime pas les chansons qui se contentent d'enchaîner de jolis mots. Pour que je puisse toucher le public avec mes titres, il faut que je leur chante de vraies histoires, que je vive ce que je dis. Mes chansons sont le reflet de mes expériences.

Comment se portent les musiques roots au Texas aujourd'hui, y'a-t-il une grande différence avec le public européen ?
Les européens ne comprennent pas forcément le sens des chansons. Ils compensent cet handicap par un grand feeling et une importante sensibilité. Quand ils écoutent un disque, ils n'hésitent pas à revenir plusieurs fois en arrière afin de pouvoir tout saisir.

Je pense que le prochain  grand héros de la guitare Blues sera un européen, pas un américain...
Beaucoup des musiques sont venues des USA en Europe. Les habitants de ce continent se sont comportés comme de bons élèves dans une école. Aux USA, le Blues n'est plus aussi populaire qu'ici. Les gens qui viennent du Blues ont eu des enfants qui cherchent à s'écarter de ces racines et à oublier un passé douloureux. Le Blues n'est plus à la mode. Même mes enfants me le font ressentir en me disant que cette musique a été appropriée par les blancs...

Mes chansons sont souvent tristes, mais au fond d'elles-mêmes on trouve de la joie, du bonheur, de la beauté...
Mon problème à moi, Sherman Robertson, c'est que j'aime la vérité, l'authenticité. Je n'aime pas ce qui est faux...
Un film comme « Star Wars » est formidable mais il ne me parle pas. Je suis davantage touché par un simple sourire ou un verre partagé avec une personne.

As-tu des contacts avec des artistes européens ?
Les contacts que j'entretenais étaient surtout avec d'anciens artistes de Blues qui s'étaient installés par ici. Je pense à Luther Allison, je connais aussi très bien son fils Bernard et beaucoup d'autres personnes. Je connais beaucoup d'artistes européens de réputation, par leur musique et leurs disques mais, pas forcément, personnellement.

A partir du moment où un gars sait jouer et chanter, en mettant toutes ses tripes et son vécu dans une chanson, c'est un vrai bluesman !

Quels sont tes projets ?
Nous travaillons sur un nouvel album. Nous souhaitons arriver à mixer les goûts des différents publics en offrant d'un côté de bonnes chansons qui les touchent et, d'un autre, de vrais Blues.
J'étudie aussi, le fait, de réaliser un portrait de la « nouvelle scène européenne ».

J'aimerais interviewer d'anciens artistes et retourner sur les lieux où ils ont joué, faire un parallèle avec les jeunes qui s'inspirent de la « vieille école ». Créer, aujourd'hui, quelque chose qui soit nouveau est très difficile car je crois que tout a déjà été fait.

Souhaites-tu ajouter une conclusion ?
Je pense que pour bien comprendre le Blues, les gens doivent vraiment s'immerger dans cette musique. Apprendre aux côtés d'autres gens et les écouter est une très bonne chose.

Cependant le meilleur moyen est de complètement s’investir en restant soi-même et en étant créatif. Les français, les allemands, les belges ont des choses à dire. Il suffit de s'y mettre...


Il est inutile de chercher à devenir un bluesman américain car les gens du Mississippi, de Georgie, du Texas ou d'Alabama savent mieux le faire que quiconque.
Notre vie est un peu comme un gumbo ou un goulach dans lesquels nous aurions versé ce qui est la source de notre existence, nos racines...
Vous pouvez prétendre à la même chose car n'oubliez pas que l'Amérique est faite de ces gens qui avaient quitté l'Europe afin de vivre le « rêve américain ».

Il peut y avoir 6 ou 7 heures qui nous séparent mais nous sommes les mêmes personnes. Nous entendons, crions de la même manière...
Le Blues, à l'origine, vient d'Europe. Il a été emmené aux USA où il a été développé avant de « revenir à la maison »...
Les prochains grands musiciens viendront d'Europe...

As-tu un rêve, en particulier, pour le futur ?
J'aimerais produire et enregistrer de jeunes gens. Faire pour le Blues ce que Motown a fait pour la musique Soul. Trouver de jeunes artistes et les aider, créer tout un concept qui passe même par la façon de s'habiller. Parfois c'est un peu limite, un artiste peut avoir une jolie chemise avec une vieux pantalon usé. Ceci n'est pas acceptable...

Le Blues est une chose à part. Tu ne peux pas te présenter sur scène comme un simple gars de la rue. Ceci fait partie du respect que tu dois à ton public...

Dans la nouvelle génération, quels sont les artistes que tu préfères ?
Dans la nouvelle génération j'écoute, principalement, les artistes de Gospel et de Country. Dans le Blues j'en écoute beaucoup moins...

En effet je trouve que les sons ressemblent toujours à du Muddy Waters ou du Bo Diddley. Ce que je cherche dans les artistes de la nouvelle génération, ce sont ceux qui sont créatifs et qui ont choisi leur propre direction. Il y en a beaucoup qui sont très bons mais dont les styles sont proches de ceux de Luther Allison, BB King ou un autre...

Pour que je tourne mon regard vers un guitariste il faut, biens sûr, que je ressente dans sa musique un profond respect pour ses illustres aînés...
Il faut surtout, je le dis à tous ceux qui liront ou entendront cette interview, qu'ils développent et créent leur propre son tout en interprétant leur propres chansons.
    
Remerciements: Bernard Villeneuve (Willing Prod)

www.myspace.com/shermanrobertsonband

 

 

 
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Les liens :

myspace.com/shermanrobertsonband

Interview réalisée au
Caf’ Conc’ Ensisheim
le 23 mars 2009

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

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